Faut-il réduire le nombre de matchs en NBA pour limiter les blessures ?
Le 17 mai 2025 à 16:06 par Nicolas Meichel

Malheureusement, comme les années précédentes, les Playoffs NBA 2025 sont caractérisés par un grand nombre de blessures : Stephen Curry, Damian Lillard, et tout récemment Jayson Tatum, victime d’une terrible rupture au tendon d’Achille. De quoi relancer le débat suivant : y a-t-il trop de matchs en NBA ?
Cette question, loin d’être nouvelle dans l’univers NBA, a l’habitude de ressortir à ce moment-là de l’année. Ce moment, à savoir les Playoffs, est évidemment hyper attendu par les fans car il détermine le futur champion après une longue saison régulière de 82 matchs.
Mais au cours des dernières années, les Playoffs sont marqués par des blessures qui changent radicalement la physionomie d’une série, voire de toute la campagne de Playoffs. À tel point qu’on a parfois l’impression, de façon justifiée ou non, que le champion NBA est celui qui a le mieux réussi à éviter les pépins physiques. De quoi remettre en question la légitimité de certaines équipes, qui “profitent” des blessures de leurs adversaires pour réaliser un grand parcours. Et ça c’est pas top.
Si les blessures font partie du basket et que les bobos sont inévitables dans tout sport de contact, on assiste à une hausse sensible – sur les dix à quinze dernières années – du nombre de All-Stars qui ratent des matchs en Playoffs pour cause de pépins physiques. Comment l’expliquer ? Et surtout, comment y remédier ?
Des blessures en hausse depuis 15 ans
Tom Haberstroh, spécialiste des analytics et des stats pour Yahoo Sports, a partagé des chiffres assez troublants.
Star posteason injuries have increased 7x since the late 1990s. https://t.co/a60jiDXUol pic.twitter.com/JSjnPP1Hb5
— Mr. Statistician Face Man (@tomhaberstroh) May 14, 2025
Le graphique ci-dessus montre le nombre de joueurs All-Star qui ont manqué au moins un match de Playoffs, année par année. On remarque une hausse sensible des blessures ces cinq dernières années, avec un pic en 2021.
Cette année-là, caractérisée par le COVID et une pause raccourcie entre les deux saisons (l’enchaînement entre la campagne 2019-20 et 2020-21 a été brutal, avec une fin en octobre et une reprise juste avant Noël), pas moins de dix All-Stars ont manqué au moins un match de Playoffs. La saison suivante ? Huit. Cette année ? Déjà cinq All-Stars ont manqué au moins un match en Playoffs, et on n’a même pas encore terminé les demi-finales de conférence. Autant dire que ce chiffre pourrait encore monter.
🔸Playoffs 2023 : Chris Paul, Ja, Giannis, AD, Herro, Embiid…
🔸Playoffs 2024 : Kawhi, Giannis, Brunson, Butler, Spida, Zion, Embiid…
🔸Playoffs 2025 : Tatum, Curry, Lillard, Morant, Garland, …
Comme l’a dit un grand sage : parfois, il vaut mieux être chanceux que bon en…
— TrashTalk (@TrashTalk_fr) May 13, 2025
Si on dézoome un peu plus, on se rend compte que la hausse des blessures est assez globale depuis quinze ans.
En dehors des Playoffs 2014, où les dieux du basket ont choisi d’épargner les meilleurs joueurs de la Ligue, minimum quatre All-Stars ont manqué au moins un match de Playoffs depuis 2011 sur la campagne en question. Au cours des deux décennies précédentes ? Ce n’est arrivé que trois fois (1992, 2000, 2009).
Alors évidemment, ici, on ne parle que des blessures des joueurs All-Star, pas des blessures qui ont touché les autres joueurs de la NBA. L’échantillon est donc limité mais on a volontairement axé sur les All-Stars car ce sont eux qui doivent assumer la plus grosse charge de travail en Playoffs (nombre de minutes très élevé, grosses responsabilités des deux côtés du terrain…) après une saison régulière de 82 matchs (à laquelle on peut ajouter des compétitions internationales durant l’été). C’est ainsi plus pertinent pour essayer de faire le lien entre le nombre de matchs et la hausse des blessures.
Un lien entre le nombre de matchs et la hausse des blessures ?
Cette question est plus que jamais d’actualité et le contre-argument qu’on entend souvent, c’est que le nombre de matchs en NBA n’a pas changé depuis quasiment… 60 ans.
En effet, une saison NBA est composée de 82 matchs en régulière depuis 1967-68. C’est un chiffre qui a bougé uniquement dans des circonstances exceptionnelles (lock-outs, COVID) mais sinon, c’est 82 chaque année. Le calendrier NBA est construit autour de ce chiffre, historiquement comme économiquement.
Les seules choses qui ont véritablement changé dans la structure du calendrier au cours des vingt dernières années, c’est que le premier tour des Playoffs est passé de trois matchs gagnants à quatre matchs gagnants (à partir de 2003), et que la NBA a ajouté le Play-in Tournament ainsi que le In-Season Tournament au programme. Mais en nombre de matchs, l’ajout est mineur voir anecdotique.
Dans le même temps, la Ligue a réalisé quelques ajustements pour tenter d’alléger un peu le calendrier, avec une saison qui commence désormais plus tôt (autour du 20 octobre à partir de 2017, contre fin octobre voire début novembre avant) dans le but de l’élargir (jusqu’aux Finales de juin) pour réduire notamment le nombre de back-to-backs (deux matchs en deux nuits). La pause du All-Star Break a aussi été rallongée, pour durer quasiment une semaine contre un long week-end par le passé.
Mais si le nombre de matchs est resté le même, et que la NBA a mieux étalé son calendrier, où se situe le lien avec l’augmentation des blessures ? On y arrive.
Une NBA qui a changé
Le nombre de matchs dans une saison NBA est le même depuis six décennies, mais la NBA a connu une révolution sur la dernière : la révolution du tir à 3-points, avec une Ligue plus que jamais tournée vers l’offensive.
Stephen Curry et les Warriors ont changé la manière avec laquelle le basket est joué. Et dans le même temps, on est entrés dans l’âge d’or des analytics, pour essayer de contrer la dynastie Golden State (coucou les Rockets de Daryl Morey) mais aussi dans le but global de maximiser l’efficacité offensive.
La NBA des dix dernières années, c’est une NBA où le rythme de jeu est très élevé (autour des 100 possessions par match depuis 2018, environ 90 dans les années 2000 et deuxième partie des années 1990), où les joueurs sont de plus en plus polyvalents et athlétiques, où ça shoote à 3-points dans tous les sens, et où il y a plus d’espaces que jamais à couvrir à cause de l’importance du tir extérieur. Bref, on est dans du basket total.
Conséquence directe ? Les joueurs courent plus qu’avant.
According to NBA dot com tracking data, players are running about 9% more distance per minute on court than they did a decade ago
It’s no surprise that the more miles a player puts on his body, the more likely he is to get injured pic.twitter.com/3qFpsGAQJh
— Lev Akabas (@LevAkabas) May 13, 2025
Selon Lev Akabas de Sportico, un joueur en NBA court en moyenne 5,85 kilomètres par match sur 48 minutes en 2025. Il y a dix ans, ce chiffre était de 5,39 kilomètres. Dit comme ça, la différence a l’air minime mais sur un total de 82 matchs, à un moment donné ça peut peser. Notamment en Playoffs où l’intensité est décuplée. Cela semble particulièrement vrai cette année, les arbitres laissant beaucoup plus de place à l’impact physique qu’en saison régulière. Un décalage parfois assez brutal qui peut avoir un impact sur la santé des joueurs en Playoffs.
Les anciens diront que l’impact physique qu’on voit aujourd’hui en Playoffs était similaire durant les années 1990, et probablement encore plus dur. Les plus anciens diront que le rythme de jeu était encore plus élevé dans les années 1980 qu’aujourd’hui. Ces deux choses sont vraies. La différence, c’est que dans les années 1990 comme dans les années 1980, les joueurs étaient moins techniques, moins athlétiques et surtout shootaient beaucoup moins à 3-points.
Tout ça pour dire que le jeu NBA actuel est propice aux blessures. Comme on n’est pas médecin, on ne va pas affirmer par A+B que la blessure au tendon d’Achille de Jayson Tatum (qui n’était quasiment jamais blessé jusqu’ici) est liée à la fatigue ou au rythme moderne de la NBA, et qu’il aurait évité cette dernière dans d’autres conditions.
Par contre, quand on voit le nombre de blessures sans contact (tendon d’Achille, ligaments croisés, ischio-jambiers, mollets…) qui caractérisent la NBA version 2025, on se dit que le moment est peut-être venu de réaliser de vrais ajustements à l’échelle de la Ligue.
Réduire le nombre de matchs NBA, la seule vraie solution ?
Pour des raisons avant tout économiques, la NBA – des propriétaires au syndicat des joueurs – ne veut pas toucher aux 82 matchs. Mais dans une Ligue où les blessures sont en hausse au pire moment (les Playoffs) et où le load management (repos des stars en cours de saison) représente un caillou dans la chaussure d’Adam Silver (patron NBA) depuis une bonne décennie, baisser le nombre de matchs semble représenter la seule vraie solution.
On l’a vu juste au-dessus, les ajustements de calendrier ont été mineurs. Cela ne permet pas de réduire les blessures et ça ne suffit pas pour régler le problème du load management, que la NBA a décidé de contrer en mettant en place la règle des 65 matchs pour être éligible aux NBA Awards.
Vous nous direz peut-être : pourquoi ne pas étaler la saison encore un peu plus dans le temps, avec par exemple plus de jours de repos entre les matchs de Playoffs ? L’idée est pertinente, sauf que la NBA rentrerait potentiellement en concurrence avec d’autres sports sur le calendrier sportif américain (si on avance le début de la régulière, avec les Playoffs MLB en octobre et évidemment la saison de Foot US), ou se rapprocherait trop des compétitions internationales l’été (si on décale la fin des Playoffs). L’intersaison NBA serait aussi plus courte dans ce cas-là.
La vérité, c’est que la Ligue doit privilégier la qualité à la quantité.
Bastien veut diviser par DEUX le nombre de matchs en NBA ! 😳
Vous validez ou c’est un crime contre le basket ? pic.twitter.com/Dz2vDhuy29
— ParionsSport en Ligne 🔞 (@ParionsSport) May 3, 2025
Dans l’histoire, pour cause de COVID ou de lock-out, on a eu des saisons à 72, 66 et 50 matchs. On ne dit pas que la NBA doit drastiquement réduire son nombre de matchs pour descendre jusqu’à 50, mais baisser le total à 72 ou 66 matchs serait déjà un grand pas en avant. Et cela suffit largement pour déterminer quelles sont vraiment les meilleures et pires équipes de la Ligue. Certes, cela fausserait un peu les stats historiques et la course aux records, mais l’essentiel est ailleurs.
Moins de matchs en régulière, ça veut dire beaucoup moins de back-to-backs et quasiment plus de séries de cinq matchs en sept jours. Cela se traduirait donc par plus de repos pour les joueurs, une meilleure récupération entre les matchs, et une meilleure préparation pour chaque rencontre. Bonus : chaque match aurait plus d’importance pour les équipes, de quoi limiter le load management et améliorer la qualité du produit.
Tout cela reste pour l’instant utopique, car ça va à l’encontre du business NBA. La Ligue est aujourd’hui plus dans une dynamique d’expansion (Play-in Tournament, In-Season Tournament, bientôt deux nouvelles franchises…) que de réduction. Néanmoins, Adam Silver se rend compte aussi qu’avoir certains des meilleurs joueurs de sa Ligue qui sont blessés en Playoffs, c’est loin d’être une bonne chose pour ses affaires. On l’a vu durant la saison régulière : les blessures et le load management font partie des raisons pouvant expliquer la baisse des audiences NBA, qui rebondissent à peine depuis quelques mois (merci Nico Harrison).
Every NBA season it feels like whichever team gets injured the least wins the title.@ZachLowe_NBA and @BillSimmons have been saying 82 games is too many for 15 years now! pic.twitter.com/e4gxGVDxQE
— The Ringer (@ringer) May 13, 2025
Peut-être qu’il faudra d’autres cas comme Jayson Tatum – malheureusement – pour pousser la NBA à sérieusement envisager la baisse du nombre de matchs. Ou peut-être que la Ligue ne l’envisagera jamais vraiment, histoire de garder son business model intact.
Mais une chose semble certaine : le physique des joueurs et leur état de santé bénéficieraient d’une saison raccourcie.
Sources texte & stats : Tom Haberstroh (Yahoo Sports), Basket-Reference, Sportico, The Ringer
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