Goose Tatum story – part 3 : devenir un Harlem Globetrotter
Le 04 juin 2025 à 08:49 par David Carroz

Dans le monde de la balle orange, peu de noms sont à la fois aussi emblématiques mais aussi peu connus du grand public que celui de Reece “Goose” Tatum. Certes, sa période de gloire remonte à une ère révolue, mais son impact sur l’une des équipes les plus populaires de l’histoire n’en demeure pas moins exceptionnel. Car cet athlète Afro-américain aux talents multiples a mené les Harlem Globetrotters au sommet du basketball chez l’Oncle Sam puis tout autour du monde alors que les lois ségrégationnistes Jim Crow rythmaient la vie aux USA. Troisième partie de notre portrait de Reece Goose Tatum, consacrée à son arrivée chez les Harlem Globetrotters.
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Lorsque Goose Tatum fait ses premiers pas avec les Harlem Globetrotters, il est loin de faire l’unanimité. Entre sa façon de s’exprimer et sa démarche, les autres joueurs le prennent pour un plouc. Et comme il n’a pas forcément le physique d’un athlète et encore moins celui d’un big man dominant avec son mètre quatre-vingt-treize, certains se demandent même ce qu’il fait ici. Mais Abe Saperstein a un plan pour sa recrue.
Goose Tatum apprend le basketball
Le boss des Globetrotters voit plus loin qu’un animal de foire avec ses longs bras – imaginez un instant D-Wade avec l’envergure de Wemby (2m40 pour Tatum) et vous avez la silhouette de Goose Tatum. Mais si cette dégaine fait partie de ce qui intéresse Saperstein. Les Trotters sont certes une équipe de basket, mais ils proposent avant tout un spectacle, avec des matchs rythmés par des sketchs ou coups foireux visant à amuser le public. Ce que se plaît à faire Tatum au baseball. Il dispose donc déjà de cordes majeures à son arc : le charisme, le sens du spectacle, la capacité à faire rire et à attirer les foules: check. Il reste donc à apprendre Goose à jouer au basketball, lui qui n’a jamais appris les fondamentaux de la balle orange. Pour cela il est confié à un vieux de la vieille chez les Globetrotters, le pivot Inman Jackson qui traine dans les parages depuis les années trente – en tant que joueur – et qui désormais a un rôle d’entraîneur. Le taf pour transformer le bouseux en génie commence dans l’ombre, loin de l’équipe première.
Le diamant est brut, il faut le polir. Inman Jackson lui transmet les bases du jeu ainsi que ses propres tricks développés lorsqu’il était joueur. Et que Tatum améliore. La différence entre le maître et l’élève, c’est que Jackson était avant tout un baller qui a pris son rôle dans la routine, le spectacle des Globetrotters. Goose quant à lui va pousser ce show encore plus loin.
Une nette progression
Un événement vient remettre en cause les prévisions des Globetrotters. Après l’attaque de Pearl Harbor le 7 décembre 1941, les États-Unis deviennent partie prenante dans le conflit mondial. Les hommes sont mobilisés, l’économie se tourne vers l’effort de guerre. Goose Tatum profite de l’enrôlement de certains de ses coéquipiers pour gagner du temps de jeu malgré les difficultés pour continuer à organiser des tournées rentables pour Saperstein. Pendant deux saisons, le taf avec Inman Jackson et l’expérience acquise sur le terrain lui permettent de montrer une belle progression. L’équipe découvre qu’en plus d’être un clown, Goose dispose de belles qualités athlétiques, en particulier sa remarquable détente. Il n’est pas encore un taulier, mais il gagne le respect de ses coéquipiers qui commencent à comprendre ce qu’il va pouvoir apporter au spectacle. Les journalistes aussi voient le potentiel et parlent de lui comme “la nouvelle sensation” des Trotters, en extase devant ses pitreries.
Plus impressionnant encore, Goose Tatum introduit de l’improvisation, chose que les autres Globetrotters – avant tout des basketteurs – ne sont pas capables de faire. Tandis que ses coéquipiers suivent le script de la rencontre et des tours prévus soir après soir, Goose ajoute sa propre touche, dévie du scénario avec ce qui lui fait envie. Au point de parfois perdre ses coéquipiers qui profitent du spectacle qu’ils doivent eux-même donner.
S’il commence à se faire remarquer, Tatum va disparaître des radars du grand public. Il doit à son tour de rejoindre l’armée en 1943. Goose passe trois ans dans l’US Army Air Corps. Pour autant, le jeune baller ne cesse pas le basket puisqu’il joue au sein des équipes – ségréguées – de son régiment. Mieux, il rencontre un ancien joueur pro passé par les Detroit Eagles et House of David – une équipe de barnstorming composée uniquement de Juifs – qui devient son mentor et lui apprend les fondamentaux du basket. À plus de vingt piges, il était temps. Ces nouveaux progrès font de lui une arme fatale qui vient même à bout de son ancienne équipe des Harlem Globetrotters avec la Lincoln Army Air Field Wings en décembre 1944 : victoire 41-39 derrière les 18 points de leur pivot Tatum
À la fin de la guerre, Goose Tatum retourne chez les Harlem Globetrotters et où il partage désormais la vedette avec un nouveau membre de l’équipe : Marques Haynes. Arrivé en 1946, le dribbleur fou a déjà prouvé son talent, avec un style de jeu qui complète parfaitement celui de Tatum. Ensemble, les deux joueurs deviennent les figures de proue de cette génération des Harlem Globetrotters qui va marquer l’histoire du basket-ball.
Source : Spinning The Globe de Ben Green