Goose Tatum story – part 6 : loin des Globetrotters mais pas du basketball
Le 08 juin 2025 à 09:38 par David Carroz

Dans le monde de la balle orange, peu de noms sont à la fois aussi emblématiques mais aussi peu connus du grand public que celui de Reece “Goose” Tatum. Certes, sa période de gloire remonte à une ère révolue, mais son impact sur l’une des équipes les plus populaires de l’histoire n’en demeure pas moins exceptionnel. Car cet athlète Afro-américain aux talents multiples a mené les Harlem Globetrotters au sommet du basketball chez l’Oncle Sam puis tout autour du monde alors que les lois ségrégationnistes Jim Crow rythmaient la vie aux USA. Sixième partie de notre portrait consacré à Reece Goose Tatum et son départ des Harlem Globetrotters pour de nouvelles aventures basketballistiques.
Alors que les Harlem Globetrotters sont au sommet en étant la seule équipe de basketball rentable des États-Unis – et la plus populaire – Goose Tatum semble avoir trouvé un certain équilibre et ne disparaît plus aussi souvent qu’avant sans donner de nouvelles. Ça tombe bien, car les Trotters et leur joueur star sont sur le point d’ajouter une nouvelle ligne à la liste de leurs accomplissements.
Goose Tatum disparaît des Globetrotters pour de bon
Le 22 mars 1955, les Globetrotters disputent une rencontre pour remplir les caisses du comité olympique. Rien d’exceptionnel me direz-vous. Sauf que ce jour-là, le match est diffusé en live sur l’intégralité du territoire américain. C’est la première fois que les Harlem Globetrotters ont le droit à un tel honneur. Dans le sillage d’un Goose Tatum éblouissant qui réjouit aussi bien les spectateurs sur place que les gens massés derrière leur télé, les hommes de Saperstein s’imposent. Pour la dernière apparition de leur star. En effet, après cette victoire, plus aucune trace de Goose Tatum. Au bout d’une longue semaine, il passe simplement un coup de fil à un pote pour dire qu’il se repose chez sa sœur, rien de plus. Abe le suspend, toujours sans nouvelle officielle de la part de son joueur. Alors que la suspension touche à sa fin, Goose ne s’est toujours pas manifesté. Le spécialiste des absences injustifiées pousse le bouchon encore plus loin que dans ses habitudes. Résigné, Abe Saperstein libère le joueur de son contrat le 20 avril.
Pour autant, cela ne signifie pas la fin du basket pour Goose Tatum. En effet, avant même de voir son deal avec les Globetrotters résilié, l’intérieur avait déjà repris les tournées dans l’Arkansas et la Louisiane au sein des Fabulous Harlem Clowns. Un reporter arrive à le choper entre deux dates et lui demande si on va le revoir chez les Trotters. Réponse de l’intéressé : “Après quatorze ans, vous avez besoin de changer.” Sans plus d’explication, insistant juste qu’il est temps pour lui de réduire le rythme des rencontres et de profiter de la vie. Quelques mois plus tard, c’est avec un ancien comparse des Trotters – qui avait quitté l’équipe plus d’un an avant – que l’on retrouve Goose Tatum. Il évolue désormais au sein des Harlem Magicians de son ami Marques Haynes. Pendant ce temps, Abe Saperstein a déjà tourné la page. Pas avec plaisir, mais les Globetrotters ont déjà connu d’autres séparations et s’en sont toujours remis. Sans oublier qu’ils disposent déjà d’un nouveau Clown Prince of Basketball en la personne de Meadowlark Lemon. Un excellent comédien qui reprend le flambeau de Goose Tatum, sans pour autant disposer de la même créativité, ni du même talent avec la balle orange. Peu importe, il y a longtemps que le basketball n’est qu’un moyen et non pas une fin en soi pour l’équipe de Saperstein, le spectacle prime.
Si les Globetrotters trouvent un moyen d’avancer sans Goose Tatum, la séparation s’avère finalement plus compliquée pour le joueur. Après quelques temps aux côtés de Marques Haynes donc, il tente de monter sa propre équipe. Problème, être un génie sur un parquet ne fait pas de vous un bon manager et toutes les tentatives de Goose se transforment en échec. Pire, son incapacité à gérer l’argent se retourne contre lui. Les billets verts lui brûlent les doigts, un souci déjà identifié au cours de sa carrière chez les Globetrotters. Si une bonne partie de ses salaires allait directement vers sa femme et ses enfants, il trouvait toujours le moyen de dépenser dans les voitures, les bijoux, les crédits à la consommation, les généreux pourboires ou les repas payés volontiers à des mendiants. Si bien que des belles sommes récoltées, il ne reste rien. Il est même rattrapé par le fisc américain pour des impôts non payés, au point de gagner un séjour de plusieurs semaines en prison.
Basketball, famille, tournées
En parallèle des ennuis financiers, la vie de Goose Tatum s’agite. Il multiplie les conquêtes féminines – ce qui n’aide pas à améliorer son budget – au point de divorcer de sa première femme. D’autres mariages et divorces s’enchaînent voire s’emmêlent. Il commence à abuser de la boisson. Mais le passage évoqué par la case prison au début des sixties le remet dans le droit chemin. Il retrouve une certaine stabilité en partie pour son dernier fils, Reece III. Goose stoppe la tease et relance une équipe, les Harlem Roadkings. C’est sa nouvelle femme qui gère les finances pour qu’il se concentre uniquement sur ce qu’il fait le mieux : jouer le basket en divertissant les foules. Malgré ses quarante ans bien tassés, il excelle toujours sur le parquet et les affaires tournent bien. Certes, les Roadkings ne peuvent pas rivaliser avec les Globetrotters, en termes de niveau ou de popularité. Mais pour Tatum il y a mieux : son fils Reece III le suit partout, il peut donc jouer son rôle de père, chose qu’il n’a jamais faite avec ses autres enfants qu’il ne voyait que quelques fois dans l’année à cause des tournées avec les Globetrotters.
Ce nouvel équilibre, cette sérénité personnelle se ressent sur le terrain. Quarante cinq piges ? Tu ne lui parles pas d’âge. Sa créativité explose. Ce qui ne fait pas de mal, car les équipes spin-off des Trotters sont nombreuses à parcourir les États-Unis. Il faut donc se différencier. À ce jeu-là, personne n’égale le génie de Goose pour enflammer les foules. Le tableau idyllique se poursuit avec le rapprochement entre Tatum et son fils aîné, Reece II surnommé Sonny. Âgé de 16 ans, il rejoint son père pour apprendre à ses côtés et progresser au basket. Goose Tatum essaie de rattraper le temps perdu et cette famille recomposée lui offre cette opportunité.
Malheureusement, le bonheur est de courte durée. Cette stabilité est mise à l’épreuve lorsque Goose se casse la jambe au cours d’un match en janvier 1965. Le public, tellement habitué aux facéties du joueur, se marre devant la blessure, persuadé qu’il s’agit d’un nouveau sketch. Ce n’est que lorsqu’il quitte l’enceinte pour l’hôpital que la foule comprend qu’il n’y avait rien de drôle. À l’hosto, la fracture est confirmée. Mais les examens révèlent aussi que Tatum souffre d’une infection chronique au niveau des os. Cerise sur le gâteau, son foie est également dans un sale état, résultat de ses années d’alcoolisme. Bref, l’avenir s’obscurcit. Mais avec la guérison rapide de sa jambe, Goose ne se laisse pas abattre et retrouve les parquets malgré les autres soucis de santé. À l’image d’Abe Saperstein et des Harlem Globetrotters, le mot d’ordre semble être Show must go on pour Gosse Tatum aussi.
Source : Spinning The Globe de Ben Green