Harlem Globetrotters : Harlem dans le nom, Chicago comme origine

Le 22 août 2025 à 07:27 par David Carroz

Harlem Globetrotters - Harlem dans le nom, Chicago comme origine
Source image : TrashTalk via ChatGPT

Si les Harlem Globetrotters sont certainement aujourd’hui l’équipe de basketball la plus connue au monde, capable de remplir les salles sur tout le globe, cela ne s’est pas fait en un claquement de doigts. Mais à force de kilomètres de route avalés, de matchs joués et de paluches serrées par Abe Saperstein, ils atteignent le sommet du basketball mondial.

Après les tensions au sein du Savoy Big Five qui ont mené à la séparation de l’équipe et à la création des Original Globe Trotters dans le sillage de Tommy Brookins – un ancien de Wendell Phillips – un problème se pose : qui va organiser les déplacements ? Parce que si sur le terrain, le niveau est assuré, en coulisse les gars n’ont pas forcément l’expérience pour faire tourner la boutique. Alors ils se tournent vers une personne qu’ils connaissent un minimum, Abe Saperstein, qui a déjà joué le rôle d’agent au moment de booker des rencontres pour le Savoy Big Five.

Saperstein monte alors une tournée entre Michigan et Wisconsin et tout le monde est content de cette collaboration… jusqu’à ce que les joueurs découvrent qu’une autre équipe joue dans les mêmes villes quasiment aux mêmes dates. Une formation dont le nom est Globe Trotters et dont les matchs ont été réservés par Abe Saperstein. Dans le plus grand des calmes, il a recruté d’autres anciens membres du Savoy Big Five et des gamins sortis de Wendell Phillips pour faire coup double. Et à la fin de la tournée, seuls les Globe Trotters de Saperstein poursuivent l’aventure, Tommy Brookins jetant l’éponge.

En 1929, le Black Five prend le nom de New York Harlem Globe Trotters – qui deviendra donc plus tard Harlem Globetrotters – bien que la formation et les joueurs viennent tous de Chicago. Mais pour Abe, qui n’est pas le propriétaire mais un simple associé qui partage les recettes avec le reste de l’effectif, le fait d’utiliser Harlem permet de lever toute ambiguïté sur le fait que l’effectif est composé d’Afro-américains au moment de booker les tournées. Des tournées que les Globetrotters font entassés à six – Abe et les cinq joueurs – dans la Ford T  de leur meneur star Runt Pullins.

On joue dans tous les petits bleds paumés du coin en poussant jusqu’au Montana, une fois par jour, deux fois le dimanche. Les matchs, les victoires et les kilomètres s’ajoutent au compteur. Et une composante trouve sa place dans le jeu des Globetrotters : pour pouvoir souffler un peu quand l’écart est fait, c’est le début des trick shots et autres éléments qui sortent du cadre du basketball autour du duo Runt Pullins – Inman Jackson. Et comme en plus le public aime cela, les Globetrotters n’hésitent pas à amuser la galerie.

En février 1934, la petite troupe, qui avait déjà connu quelques tensions principalement pour des raisons financières, vole en éclat suite à un changement majeur opéré par Abe Saperstein. Il décide que le partage des recettes à parts égales n’est plus d’actualité et que les Harlem Globetrotters sont son équipe, les joueurs ses employés. Leur salaire est fixé à sept dollars cinquante par rencontre, alors qu’ils se faisaient pratiquement le triple avant ce coup de force de Saperstein. Runt Pullins et deux autres joueurs refusent et se barrent, il faut compléter l’effectif pour repartir sur les routes.

Maintenant qu’il a pris le pouvoir, Abe pousse encore plus pour que le spectacle rythme les matchs des Trotters. Cela devient même la signature du Black Five. Si cela attire les foules, cela fait aussi grincer des dents au sein de la communauté afro-américaine qui voit dans ces représentations un retour au minstrel show, caricature jouée longtemps par des Blancs grimés. Mais Saperstein s’en cogne, ce qui l’intéresse ce sont les salles remplies et les dates qui s’enchaînent. Et sa stratégie lui permet non seulement de tenir le coup lors de la Grande Dépression, mais aussi de grandir quand les autres Black Fives disparaissent les uns après les autres. Seuls les New York Rens – qui eux sont bien de Harlem – peuvent concurrencer les Globetrotters en termes de popularité. Mais surtout en termes de niveau sur les parquets.

L’équipe new-yorkaise le prouve d’ailleurs lors du premier World Professional Basketball Tournament puisqu’elle vient à bout des Globetrotters avant de remporter ce tournoi intégré. Un Black Five au sommet, mais pas le bon pour Saperstein qui met tout en œuvre pour prendre sa revanche la saison suivante. Ce qu’il réussit puisque les Harlem Globetrotters sont les champions lors de la seconde édition en 1940. À partir de là, les Trotters deviennent la référence. Pour le basket afro-américain certes, mais même de l’autre côté de la barrière raciale, aucune équipe n’est en mesure de leur résister. Leur popularité explose et les tournées deviennent mondiales après la seconde guerre mondiale.

Sur le territoire américain, même les Minneapolis Lakers, pourtant intouchables en National Basketball League puis en NBA ne parviennent pas à venir à bout des Harlem Globetrotters. Deux rencontres en 1948 et 1949 qui marquent l’histoire. Si le premier succès a été mis sous le coup de la chance – victoire au buzzer – la seconde ne souffre d’aucune contestation. Tellement à l’aise, les Trotters de Marques Haynes, Goose Tatum et Nathaniel Clifton se permettent même de lancer leur routine spectaculaire lors du dernier quart-temps. Une humiliation pour les Lakers, qui plus est pour une rencontre télévisée, un événement rare pour l’époque.

Si ces résultats brillants gonflent encore plus la popularité des Harlem Globetrotters, ils posent aussi les bases de leur déclin. En effet, alors que la NBA est toujours ségréguée, plusieurs dirigeants ne souhaitent plus se priver du pool de talent afro-américain. Ces joueurs sont talentueux, la double confrontation Trotters-Lakers l’a prouvé. Reste à savoir comment manoeuvrer avec Abe Saperstein qui à la mainmise sur les joueurs de cette communauté et dont les Harlem Globetrotters maintiennent à flot les finances des franchises NBA grâce aux matchs disputés dans leurs salles.

Le verrou saute en 1950. Les Boston Celtics draftent Chuck Cooper, les Washington Capitols suivent l’exemple en sélectionnant Earl Lloyd puis Harold Hunter. Les deux premiers seront les pionniers qui font sauter la barrière raciale en NBA, aux côtés de Nathaniel Clifton. Tous les trois ont porté un jour le maillot des Globetrotters et les Knicks ont même dû lâcher un joli chèque à Saperstein pour arracher Clifton aux Trotters. Si l’histoire des Globetrotters se poursuit après cette intégration, son rôle dans le développement du basketball afro-américain à Chicago est bouclé.

Source : Spinning the Globe: The Rise, Fall, and Return to Greatness of the Harlem Globetrotters, Ben Green


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