Rookies français en NBA : pourquoi ne jouent-ils (presque) pas ?
Le 30 oct. 2025 à 15:17 par Hisham Grégoire

La saison NBA 2025-26 a démarré pied au plancher : cartons, surprises, dingueries à tous les étages. Tout le monde semble déjà avoir trouvé sa place dans la grande fête du basket mondial. Tout le monde ? Pas vraiment. Parce que si la France n’a jamais eu autant de représentants dans la ligue, 19 au total, troisième nation derrière les États-Unis et le Canada, certains de nos rookies découvrent un autre aspect du rêve américain : le bout du banc. On essaye de faire le point et de comprendre.
Noa Essengue, Joan Beringer, Nolan Traoré ou encore Maxime Raynaud : tous fraîchement débarqués, tous promis à un bel avenir… mais pour l’instant, le parquet, ils le voient surtout pendant l’échauffement. Est-ce normal ? Trop d’attentes ? Pas assez de minutes ? On se pose, on respire, et on met les choses au clair.
Avant de juger, il faut déjà comprendre comment fonctionne la NBA. Chaque année, 60 rookies débarquent, et la plupart ne font même pas les gros titres. Une carrière NBA, c’est 4 ans de moyenne (LeBron lit ça en sirotant son café), et la marge entre succès et anonymat est aussi fine qu’un lancer franc de Ben Simmons.
Quand un jeune arrive, tout dépend du contexte : l’environnement (état de la franchise à son arrivée et le projet sportif), le coach, le plan de jeu, les gars déjà installés à son poste. Tony Parker est tombé dans le berceau doré des Spurs du début des années 2000, pendant que Killian Hayes et Frank Ntilikina débarquaient au milieu du chaos des Detroit Pistons et des New York Knicks. Deux salles, deux ambiances comme dirait l’autre.
There are now 23 NBA players from Canada 🇨🇦 and 19 from France 🇫🇷
Brazil 🇧🇷, on the other hand, has gone from 9 NBA players to 1 over the past decade pic.twitter.com/OjqM9eZQGx
— Lev Akabas (@LevAkabas) October 29, 2025
Vous l’aurez compris : un rookie qui casse tout dès le début, d’une part c’est très rare, et d’autre part, tout ne dépend pas que de lui. Est-ce une excuse valable ? Pas forcément, mais c’est une variable à ne surtout pas négliger dans cette équation. A titre de comparaison, attendre qu’un rookie explose tout dès novembre, c’est un peu comme espérer que Victor Wembanyama soit MVP dès sa première saison : beau sur le papier, irrationnel dans la réalité. Même l’Alien a mis du temps à décoller. Trois saisons plus tard, on commence à entrevoir le résultat. D’un point de vu collectif du moins, car individuellement, on vous l’accorde, c’était difficile de passer à côté. Mais encore une fois, c’est bien la preuve que c’est rare.
Moralité : avant de sortir la guillotine Twitter parce qu’un Frenchie joue 6 minutes, il faut prendre du recul et observer le contexte autour. Une saison NBA, c’est 82 matchs d’octobre à avril et plus si affinités : personne ne gagne quoi que ce soit en octobre, encore moins après une semaine de compétition.
Alors oui, nos rookies démarrent doucement, mais un développement en NBA, ca peut prendre du temps. On en reparle au printemps quand l’heure sera au bilan et il y a des chances que la situation des joueurs ci-dessous aura évolué d’ici là.
NOA ESSENGUE (CHICAGO BULLS)
Joueur français drafté le plus haut en 12e position, Essengue n’a toujours pas obtenu de minutes en quatre rencontres. Etonnant? Pas tellement. Son cas est particulier, on rappelle Noa Essengue est le plus jeune joueur de la ligue cette saison, à seulement 18 ans (!). Billy Donovan (coach) a expliqué que le Français « n’est pas encore prêt pour le haut niveau NBA » :
« Le gamin a vraiment un bon feeling. Il comprend bien le spacing et les déplacements, mais… il doit vraiment consacrer beaucoup de temps à son physique. Il doit apprendre à jouer un peu plus près du sol, car il manque encore un peu de puissance. Il ne fait pas grand-chose après un dribble, et quand il coupe, son physique le fait sortir des écrans et le déséquilibre. Je pense que tout cela fera partie de son développement.«
En clair, Noa Essengue est un diamant brut qu’il faudra polir avec le temps. Et si vous vous demandez pourquoi il n’est pas envoyé en G-League (l’antichambre de la NBA), c’est tout simplement car la saison ne débute que le 7 novembre. Il n’y a pas de doutes qu’il risque de faire ses armes là-bas. Comme un certain nombre de nos rookies cette saison.
JOAN BERINGER (MINNESOTA TIMBERWOLVES)
Drafté en 17e position, il rejoint une équipe avec de grosses ambitions. Pour Beringer, l’environnement semble propice à son développement, notamment en évoluant derrière Rudy Gobert, joueur français ayant remporté quatre fois le titre de meilleur défenseur de la saison, oui, rien que ça. Chris Finch (coach) a indiqué qu’il ne comptait pas l’envoyer en G-League :
« Je pense qu’il passera son temps en grande partie ici (en NBA). Encore une fois, nous allons devoir faire preuve de détermination, mais nous allons devoir lui trouver du temps de jeu. Je pense qu’il a besoin d’être ici pour voir la NBA et en faire l’expérience directement. Nous avons besoin de lui pour affronter Rudy (Gobert) tous les jours. C’est un bon défi. Ils contribueront mutuellement à leur développement en tant que joueurs, ce qui, je pense, sera bénéfique pour eux deux à l’heure actuelle. Nous le voyons donc davantage ici que là-bas (en G-League). »
Joan Beringer a eu droit à quelques minutes de jeu, rien d’exceptionnel, mais c’est un processus qui demandera du temps.
NOLAN TRAORE (BROOKLYN NETS)
Quand on parlait plus haut d’environnement propice (ou non) en voilà un bel exemple : bienvenu chez les Nets et leurs 18 meneurs de jeu. Nolan Traoré, drafté en 19e position, arrive dans une backcourt où Ben Saraf et Egor Demin se partagent la mène, avec Cam Thomas comme scoreur prioritaire et Terance Mann en porteur secondaire. Les blessures récentes (Demin/Williams) ont ouvert une fenêtre : Traoré a déjà gratté 21 minutes à Houston. Mais à effectif complet, la hiérarchie restera serrée : il devra convaincre sur la tenue de balle, la décision et la constance pour rester dans la rotation. Son coach, Jordi Fernandez a également insisté sur sa capacité à prendre du muscle pour tenir physiquement :
« Vous savez, en arrivant en NBA, il était rapide, mais il va y avoir devant lui des joueurs qui seront rapides et physiques. Alors, comment peut-il maintenir ce niveau ? Comment peut-il gagner (et maintenir) en puissance physique ? »
Sur le papier il a une carte à jouer, et il semble être dans les plans du tacticien espagnol, à lui d’arriver à s’imposer, notamment en prenant du muscle. Encore une fois, cela ne se fera pas en deux semaines, et peut-être qu’un passage en G-League pourrait l’aider sur le plan mental en engrangeant de la confiance.
NOAH PENDA (ORLANDO MAGIC)
Noah Penda, drafté en 32e position semble être arrivé dans un environnement propice à son développement : son profil plaît, les ingrédients sont là, mais il n’est pas encore prêt pour de grosses responsabilités dans la rotation. Le fait qu’il soit peu utilisé aujourd’hui n’est pas un mauvais signe : au contraire, ça montre que la franchise prend son temps. Si, dans quelques mois, il progresse sur son tir et se montre constant défensivement, il pourrait devenir un atout solide. Jamahl Mosley (coach) l’a bien expliqué en sortie de training camp :
« Ils (les rookies) ont été fantastiques tout au long du camp d’entraînement. Leur éthique de travail, tout comme celle dont nous parlions avec les gars qui pourraient ou non jouer en G-League, les invités du camp (Jase Richardson et Noah Penda), ont été tout aussi formidables. Ils ont posé les bonnes questions, ils ont été au bon endroit au bon moment. Ils ont étudié les vidéos, discuté avec les entraîneurs.
Quant à savoir quand ils entreront sur le terrain, je pense que cela reste à voir en raison du travail qu’ils devront fournir. Nous avons d’autres joueurs qui font également un excellent travail et qui sont bien établis dans leur rôle et leur position. Mais comme vous le savez, une saison de 82 matchs est très longue, et tous ces joueurs auront donc leur chance à un moment ou à un autre.«
Pas d’inquiétude après une semaine, on va surveiller la progression de Penda, notamment avec d’éventuels allers-retour par la G-League.
MAXIME RAYNAUD (SACRAMENTO KINGS)
Comme dirait l’autre, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise situation.. mais à Sacramento on se pose forcément la question. Ni assez bonne pour être dans le haut du panier, ni assez mauvaise pour sortir le char d’assaut, bienvenu dans le monde merveilleux du ventre mou. Autant un avantage (en terme d’apprentissage) que d’un inconvénient (en terme de minutes), Maxime Raynaud se place derrière Domantas Sabonis, à savoir l’un des joueurs les plus en vus de la ligue à son poste.
Une chose importante à noter concernant Raynaud : il a été sélectionné au second tour de la draft 2025 (42e choix). Habituellement, seuls les joueurs sélectionnés au premier tour bénéficient d’un contrat garanti, pour les autres c’est un peu au bon vouloir la chance et selon leurs performances. En ce qui concerne notre Frenchie, Sacramento lui a offert un contrat garanti de trois ans malgré le fait qu’ils l’ait sélectionné tard. C’est une preuve de confiance du Front Office comme quoi ils veulent le développer a moyen terme. Il faut s’attendre là aussi, à des passages par l’antichambre de la NBA.
MOHAMED DIAWARA (NEW YORK KNICKS)
On retrouve ici le même type de situation qu’avec Noa Essengue. Un profil intéréssant mais brut, qu’il va falloir polir avec le temps. Mohamed Diawara vit un début de saison très discret à New York. Le jeune intérieur français (2,05 m, 19 ans) a profité d’une belle présaison, Mike Brown (coach) l’avait même titularisé sur un match pour “voir ce qu’il avait dans le ventre”, mais depuis, zéro minute officielle. Pas de blessure, juste une hiérarchie déjà bien verrouillée du côté des Knicks.
Devant lui ? Karl-Anthony Towns, Mitchell Robinson, Ariel Hukporti et Guerschon Yabusele. Autant dire que les places sont aussi rares qu’un ticket gratuit au Madison Square Garden. Mike Brown l’a d’ailleurs reconnu :
« Il a bien bossé à l’entraînement, il a mérité d’être sur le terrain » (lors de la présaison)
mais la rotation à dix joueurs laisse peu d’espace aux rookies bruts comme lui. Le staff voit en Diawara un profil d’énergie et de défense, intéressant à polir, mais pas encore prêt à se frotter régulièrement à des big men NBA. Le Français n’est pas écarté, loin de là, il est juste dans la phase d’apprentissage. Observation, muscu, répétitions, patience, les mots-clés de son automne.
Bref, pour l’instant, Diawara regarde plus qu’il ne joue, mais il a déjà convaincu son coach qu’il avait quelque chose. Et dans une saison longue de 82 matchs, l’occasion finira toujours par se présenter. Vous nous voyez sûrement venir, mais oui, lui aussi va passer le plus clair de son temps en G-League cette saison.
Après une semaine de reprise, les débuts de nos rookies sont timides certes, mais quand on se penche sur le sujet, ça n’a absolument rien d’inquiétant ou d’anormal. Rome ne s’est pas construit en un jour, il en va de mêmes pour les jeunes pousses en NBA. Il existe parfois des anomalies (coucou Victor Wembanyama), mais le maître mot reste la patience.
Sources : Chicago SunTimes, Dunking with Wolves, New York Post, SI, San Francisco Chronicle, ProBallers
