Blessures en NBA : la Ligue est-elle devenue… trop exigeante physiquement ?

Le 19 nov. 2025 à 19:43 par Nicolas Vrignaud

Jayson Tatum 25 mars 2025
Source image : YouTube

Giannis Antetokounmpo, Victor Wembanyama, Ja Morant, Anthony Davis, Jrue Holiday… les blessures musculaires au niveau des cuisses et mollets sont légion depuis quelques jours en NBA. On a donc décidé de regarder un peu les données liées au sujet, pour essayer de comprendre si la grande ligue n’était pas devenue trop exigeante physiquement. 

Des blessures musculaires qui mènent à des absences courtes, quelques semaines tout au plus. Rien de choquant en NBA, ligue très physique au rythme sur et hors terrain particulièrement intense pour les organismes. Pourtant, après seulement quatre semaines de compétition, plusieurs stars sont déjà à l’infirmerie alors qu’on attendrait logiquement d’elles qu’elles soient en pleine forme étant donné le « peu » de matchs disputés jusqu’ici en saison régulière.

On s’est donc posé sur beaucoup de données, afin de comprendre si la NBA et la manière d’y jouer au basket avaient à voir avec cette sorte « d’hécatombe » survenue très tôt dans la saison. Spoiler : la réponse se trouve dans la nuance.

🤕 La NBA serait-elle devenue trop « intense » pour les organismes des joueurs ?

Depuis le début de saison, les petites blessures semblent particulièrement fréquentes, posant la question du rythme… et de la façon de jouer actuellement au basket en NBA.

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— Nicolas TrashTalk (@niclsvrg) November 19, 2025

Des acteurs conscients du problème

Pour entamer nos recherches, on a d’abord cherché à savoir si, au sein de la ligue, les franchises et les personnes les plus exposées aux conséquences de ces blessures (les coachs) étaient conscientes de la situation. ESPN nous a devancé sur le sujet, en demandant à Steve Kerr – avant le match des Warriors de ce mardi à Orlando – son ressenti sur les blessures récentes survenues en NBA. Sa réponse est sans appel :

« Le staff médical (des Warriors) pense que l’usure, la vitesse, la distance parcourue sont des facteurs de ces blessures. Partout en NBA, tout le monde a saisi qu’il est plus facile de marquer en battant physiquement son adversaire, en transition. Mais quand tout le monde fait ça, les matchs sont bien plus rythmés et rapides. Tout le monde doit couvrir des distances plus grandes en défense, car tout le monde tire à 3-points. On a toutes les données. Les joueurs courent plus vite et plus de distance qu’avant ».

Effectivement, et même si les données détenues par les Warriors (et les autres franchises) sont strictement confidentielles, les propos de Steve Kerr peuvent s’appuyer sur divers éléments chiffrés que nous avons recueilli durant nos recherches sur le sujet.

Sur le plan du basket, la NBA demande – et ça se constate clairement visuellement – à chaque joueur de savoir tout faire. Défendre sur une multitude de profils, attaquer en transition, jouer à la fois en percussion mais être capable de punir à 3-points. Ce qui était segmenté avant l’ère Warriors et small ball en termes de missions ne l’est plus du tout, et l’impact sur les organismes est clair, pour le coach des Warriors.

Une NBA toujours plus exigeante physiquement

Dans les faits, on note plusieurs choses du côté des statistiques. ESPN précise en s’appuyant sur ses archives que la NBA n’a jamais été aussi rapide depuis 1988-89 en termes de vitesse de jeu, de possessions par match. Une donnée qu’il faut mettre en relation avec la distance totale parcourue par les équipes durant une rencontre.

En 2024-25, une équipe NBA a ainsi parcouru 29,5km de moyenne par match, une augmentation de près de 2,5 kilomètres par rapport à 2013-14, date du début de recensement des données kilométriques au sein de la ligue. ESPN ajoute que cette distance ainsi que la vitesse moyenne de déplacement d’un joueur sur le début de 2025-26 (7,1 km/h) sont également les plus hautes jamais relevées depuis le début de la collecte de données.

Données et graphique via @MaxKlotz_ (Twitter)

Nous constatons donc que la NBA augmente de manière constante ses standards physiques, qu’il s’agisse de la vitesse des déplacements, des distances parcoures… mais aussi, et comme l’indique Steve Kerr, dans la variété des déplacements demandés. Ce qui pourrait favoriser des blessures, bien qu’on avoue entrer ici dans le domaine de la supposition du fait de l’absence de données disponibles sur le sujet.

La conséquence : des franchises ultra-protectrices

Ce qu’on constate en revanche, et très clairement, ce sont que les franchises NBA ont, à l’image de Kerr, bien saisi le danger de cette évolution pour leurs joueurs. Et le résultat est accablant. En 2025-26, les joueurs dit « stars » ont déjà un taux d’utilisation après 12 matchs en NBA qui est en dessous des données les plus basses de la saison 2023-24, survenues au début du mois d’avril, juste avant les Playoffs, une période où les joueurs importants sont habituellement presque tous mis au repos.

Données et graphique via Yahoo Sports et Tom Haberstroh

Le graphique est sans appel. À terme, on peut légitimement se demander comment la NBA va prendre le problème, car des stars absentes, ce sont des revenus en moins (merchandising, billetterie, streaming). Mais on y reviendra un peu plus tard. Et essayer de regarder ce que disent maintenant les chiffres sur le nombre de blessures cette saison, par rapport aux dernières régulières après le même nombre de matchs.

Petite parenthèse : le cas Victor Wembanyama

On va faire un petit aparté sur le cas de Victor Wembanyama, blessé au mollet et absent « quelques semaines ». Les plus impactés par l’évolution des requis physiques de la NBA sembleraient être les grands joueurs (et ici particulièrement, Wemby). Des grands segments mettent les muscles à plus rude épreuve en termes de gestion des mouvements.

Plus d’efforts requis dans la stabilisation, dans les mouvements explosifs. Ce qui veut dire plus de risques, avec la fréquence des matchs et l’intensité en augmentation ? Dans le cas d’un humain aux proportions de Wemby (2,24m), il n’y a pas de data sur le sujet et on ne se permettra pas de supposer. Même si c’est tentant et que ça semble logique…

Le cas Wembanyama a beaucoup fait parler aux US autour d’une possible corrélation entre blessure au mollet et complication très grave envisageable par la suite (tendon d’Achille), pour expliquer la réactivité immédiate des Spurs concernant son absence. Il faut néanmoins savoir plusieurs choses : Selon Brian Suttener (médecin américain spécialisé dans le sport) qui s’est intéressé au sujet, il n’y a pas de données qui montrent que deux blessures de ce type ait un lien établi scientifiquement.

Également, dans un document disponible sur la National Library of Medicine, une étude menée sur 51 cas de rupture des tendons d’Achille en NBA montre que seulement 5% font suite un pépin musculaire au mollet. Trop peu pour qu’on puisse tirer de claires conclusions sur un lien entre les deux. 

Des blessures qui n’augmentent pas… mais qui questionnent le modèle de la NBA

Pour en revenir au sujet global, à savoir les blessures musculaires en ce début de saison NBA, l’historique de blessures de la ligue apporte lui une contre-analyse nuancée. Selon Jeff Stotts, analyste pour Rotowire dans le domaine des blessures en NBA, dont le travail de recensement des pépins physiques est impressionnant, le nombre de blessures musculaires à ce point de la saison n’est pas en augmentation sur les cinq dernières régulières.

The latest updates on Wemby and AD calf injuries got me curious. To start calf injuries are NOT up this season when compared to the last 5 seasons. It’s common to see a spike in soft tissue injuries during the preseason & first 20 games of the year.

— Jeff Stotts (@InStreetClothes) November 17, 2025

Nous sommes donc face à un sujet qui principalement pris de l’ampleur et fait discuter du fait des noms des joueurs blessés – des superstars – mais qui ne trouve pas de soutien clair dans les données que nous avons pu consulter. Pour autant, ces soucis musculaires ouvrent le sujet de la manière dont la NBA se consomme actuellement.

Les franchises protègent de plus en plus leurs stars pour des raisons logiques : préserver un joueur majeur, c’est augmenter sensiblement les chances qu’il soit prêt au bon moment pour une série de Playoffs ou un match important. Mais c’est aussi une perte d’argent sur les matchs où il ne joue pas, pour les raisons évoquées plus haut. Et ça, comme dirait Fred’ de Skyrock, la NBA « apprécie qu’à moitié ».

Alors, comment peut-on résoudre le problème ? Peut-être en réduisant le nombre de matchs. Pas question pour Adam Silver, qui a expliqué en juin 2025 (après les grosses blessures de Stephen Curry et Jayson Tatum) qu’il n’était pas possible de statistiquement lier les blessures au nombre de matchs dans une saison NBA.

« Je ne vois pas vraiment l’intérêt de réduire le nombre de matchs. Les gens ont l’habitude de dire qu’il faut réduire le nombre de matchs parce que cela conduira à une réduction du nombre de blessures. Il n’y a absolument aucune donnée qui le suggère. Si c’était le cas, on pourrait penser qu’il y a plus de blessures en avril qu’en octobre. Ce n’est pas le cas. On pourrait aussi penser qu’il y a plus de blessures pendant les séries éliminatoires que pendant la saison régulière. Ce n’est pas le cas non plus. »

Même Steve Kerr, pourtant partisan d’une saison réduite à 72 matchs (150 rencontres en moins sur une saison au total), est un peu résigné sur le sujet (via ESPN).

« Toutes les parties devraient accepter de gagner moins d’argent. En 2025, aux États-Unis, bon courage. »

Alors, quelle réponse ? Pour l’instant, aucune concluante. Réduire la durée des matchs, peut-être. Étaler la saison NBA sur une durée plus longue, peut-être. En tout cas, la seule condition obligatoire pour résoudre ce souci de rythme toujours plus intense semble être que cette dite-solution ne touche pas au business global de la ligue.

Que faut-il conclure ?  

Les blessures récentes ne sont pas statistiquement anormales en termes de volume au regard des saisons passées. RAS, circulez ? Non, ce n’est pas si simple. Il faut prendre en compte que les franchises ont des données médicales poussées que nous n’avons pas (cf. décla de Steve Kerr au début), et que celles-ci sont d’une valeur énorme sur le sujet. Il faut aussi prendre le recul nécessaire sur les données et se dire que l’échantillon disponible publiquement n’est peut-être pas encore assez conséquent pour permettre des conclusions claires dans un sens comme dans l’autre. 

Ces pépins de stars ont « malgré tout » un mérite, celui d’ouvrir un autre sujet particulièrement intéressant : comment « mieux » consommer la NBA, pour plus de spectacle, tout en conservant l’attractivité économique de la ligue et la santé de ses joueurs ? 

Sources : Rotowire, ESPN, NBA, National Library of Medicine, Yahoo Sports. 


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