Blessure de Victor Wembanyama : faut-il s’inquiéter ? L’avis de plusieurs médecins, dont l’ancien kiné de Kobe Bryant
Le 28 nov. 2025 à 09:47 par Hisham Grégoire

Victor Wembanyama se retrouve au centre d’un débat brûlant : pourquoi les corps lâchent-ils les uns après les autres dans une NBA qui n’a jamais été aussi rapide ni aussi exigeante ? Plusieurs médecins ont donné leur avis sur la question, dont l’ancien préparateur physique des Lakers Gary Vitti.
Victor Wembanyama a tout ce qu’il faut pour réinventer le basket. On parle de lui comme du joueur qui va faire basculer la NBA dans une nouvelle ère : une créature de 2m24 capable de dribbler comme un meneur, défendre comme un titan et tirer comme un ailier élite.
Le problème, c’est que l’explosion de Wemby est perturbée par plusieurs coups d’arrêt. Après une saison stoppée net par une thrombose veineuse, puis une récente blessure au mollet, Wembanyama participe malgré lui à une tendance inquiétante en NBA : les stars tombent, encore et encore, et les experts commencent à admettre que quelque chose a déraillé.
Notable players out with injury:
Giannis Antetokounmpo
Victor Wembanyama
Anthony Davis
Kawhi Leonard
Joel Embiid
Zion Williamson
Trae Young
Ja Morant
Jalen Williams
Paolo Banchero
Darius Garland
Jalen Green
Brandon Miller
Cam Thomas
Tyler Herro
OG Anunoby
Jaden Ivey
Christian…
— Underdog NBA (@UnderdogNBA) November 18, 2025
Le constat est clair : le jeu moderne n’a plus rien à voir avec le basket d’il y a vingt ou trente ans. Tout va plus vite, on saute jusqu’au plafond, on change de direction dix fois par possession, et il y a plus d’espaces que jamais à couvrir à cause du spacing lié au shoot à 3-points. C’est un ballet hyper-athlétique que même les organismes les plus entraînés ont du mal à suivre.
Les médecins l’expliquent sans fioritures : le basket actuel génère un volume inédit de blessures aux tissus mous, des mollets aux ischios sans oublier les tendons.
Gary Vitti, préparateur physique des Los Angeles Lakers de 1984 à 2016 :
« Les blessures surviennent lorsqu’il y a un déséquilibre dans cette relation (entre ce que le corps produit et ce qu’il peut encaisser), surtout si le corps tente de ralentir et/ou de tourner. Imaginez que vous roulez à toute vitesse en voiture. Plus vous allez vite, plus la distance de freinage est importante. Pour tourner ou s’arrêter, c’est la même chose pour le corps humain. Plus la vitesse est élevée, plus la distance de freinage est longue.
Si la vitesse est élevée et la distance de freinage courte, cela va créer une tension plus importante dans les muscles et les tendons. Si la structure ne peut pas supporter cette tension, elle cédera au niveau du maillon faible de la chaîne cinétique. On appelle cela une charge excentrique. »
Au cœur de cette tempête biomécanique, Wemby est un cas un peu à part : il n’est pas juste un joueur très grand, il est un joueur gigantesque qui se déplace comme un extérieur. Malgré tout le travail de préparation qui est fait, sa morphologie n’est pas vraiment conçue pour absorber ces variations d’appuis, ces sprints, ces décélérations brutales.
Nirav Pandya, chirurgien orthopédiste pédiatrique spécialisé en médecine sportive (UCSF) :
« Je m’inquiète beaucoup pour Wemby et sa blessure au mollet. Il est l’exemple classique de tout ce qui peut vous inquiéter avec ce type de blessure. C’est un grand joueur. Il joue d’une manière qui sollicite beaucoup son corps. Il y a 10 ou 20 ans, il aurait simplement joué dans la raquette, dribblant et se dirigeant vers la ligne de fond. Aujourd’hui, il joue comme un arrière. C’est un talent phénoménal. Mais ces blessures des tissus mous sont très inquiétantes. »
Dean Wang, chef du service médecine du sport à UCI Health :
« Je pense que Wembanyama est en quelque sorte un phénomène dans la NBA, avec quelqu’un de sa taille qui fait ce qu’il fait et avec ses blessures. Il a eu un caillot sanguin la saison dernière. Nous savons que les joueurs de très grande taille peuvent être sujets à certains troubles. Quant à sa blessure au mollet, je ne vois pas d’autre explication que sa façon de jouer au basket. Il est toujours en mouvement. Il s’arrête et repart sans cesse. Ce n’est pas un pivot traditionnel dans le sens où il ne reste pas dans la raquette. Il joue beaucoup à l’extérieur. »
Ce qui inquiète, c’est que le profil de Wembanyama soit précisément celui pointé par les médecins. La NBA a voulu des anomalies physiques, elle les a eues. Mais ces anomalies jouent désormais dans un environnement qui n’a pas été pensé pour elles.
Le style de jeu actuel, le calendrier qui enchaîne les matchs, les voyages incessants, les phases de récupération trop courtes, l’absence de vrais cycles d’entraînement… tout pousse les joueurs vers la limite. Même les staffs les plus avancés n’arrivent plus à compenser. On analyse, on mesure, on surveille, mais le résultat est le même : mollet, ischio, tendon. Et l’idée que le prochain pas vers la blessure grave n’est jamais bien loin.
Wemby working on the sideline after being ruled out 2-3 weeks with a calf strain. https://t.co/q0oEwd3e2S pic.twitter.com/9jsyfWC2yl
— Jared Weiss (@JaredWeissNBA) November 18, 2025
Il est évidemment beaucoup trop tôt pour mettre une étiquette « injury prone » sur le front de Wemby. Oui il a eu des coups d’arrêt, oui son corps est probablement plus sujet aux blessures que d’autres, mais il a joué plus de 70 matchs durant sa saison rookie et son absence actuelle est avant tout une question de précaution.
Néanmoins, Wembanyama fait aujourd’hui partie des symboles d’une NBA qui s’est mise à tourner trop vite pour ses propres athlètes. Ce n’est pas lui qui est fragile, c’est le système qui est devenu trop violent pour un corps humain, aussi exceptionnel soit-il. Le débat n’est plus de savoir si les joueurs sont prudents, bien entourés ou bien préparés. La vraie question est de savoir si la Ligue peut continuer à fonctionner à ce rythme sans sacrifier la longévité de ses stars. À un moment, il faudra bien choisir : spectacle permanent ou durabilité des carrières.
Wembanyama pourrait dominer la NBA pendant quinze ans. Mais pour que ce futur devienne possible, il faudra accepter que même les mutants ont des limites. Et qu’à force de pousser les organismes, on fabrique le cocktail parfait pour les voir s’écrouler…
